Drones taxis et on-demand VTOL : la mobilité urbaine pourrait-elle décoller ?

Pour certains, les voitures autonomes objet de mon post précédent, constituent une opportunité ancienne. Ils travaillent, déjà, sur des véhicules volants qui exploiteront la troisième dimension pour du transport urbain de masse ! Ne nous y trompons pas, même si le concept est innovant, un nombre significatif d'acteurs s'y intéresse déjà. 

La Nasa, par exemple, a lancé deux groupes de travail ; l'un sur les navetteurs aériens ("Thin Haul Commuters") et l'autre sur les "Urban VOLT Air taxis" (VTOL : Vertical Take Off and Landing). Il s'agit toujours de recherches "pré-compétitives", c'est à dire qu'aucune application commerciale n'est pour le moment envisagée, mais un atelier récent atteste de la vivacité des travaux et des liens avec la mobilité "à la demande".

Les véhicules envisagés sont de petits avions à propulsion électrique, dotés d'un grand nombre d'hélices orientables pour permettre le décollage vertical comme sur l'image ci dessous.

Leurs ailes permettent, après le décollage, de voler comme un avion et de gagner en vitesse et en autonomie, comme dans la vidéo ci-dessous...Sur le même principe, la DARPA (toujours aux USA) travaille de son côté sur le projet VTOL X Plane.


Airbus a récemment consacré un numéro de son magazine d'entreprise à la mobilité urbaine. Il y est notamment fait état du test de drones de transport de marchandise "Skyways" sur le campus de l'université de Singapoure dès 2017. Après les études "CityAirbus", la faisabilité du transport de plusieurs passagers dans des VTOL électriques est acquise. Airbus mentionne les travaux de Volocopter qui met au point une sorte de drone géant pouvant emporter deux personnes.

De leur côté, les chinois d'Ehang ont présenté l'Ehang 184 au CES en 2016 et annoncé un partenariat avec le Nevada Institute for Autonomous Vehicles pour obtenir l'homologation du modèle. Il s'agit d'un drone électrique et autonome. Il peut transporter un passager qui n'a qu'à sélectionner sa destination, Malheureusement, l'autonomie semble actuellement limitée à moins de 500m...


Uber, de son côté, capitalise sur les travaux  de la NASA et publie un livre blance qui identifie 11 freins au décollage (si je peux dire) de ces services à grande échelle :
  1. sans surprise, la question du cadre réglementaire intervient en premier lieu,
  2. les batteries,  lourdes, qui mettent du temps à se recharger et dont le cycle de vie reste relativement long semblent peu adaptées pour l'aérien, 
  3. l'efficacité énergétique des hélicoptères (par rapport aux automobiles, ou aux planeurs) n'est pas favorable. En revanche, les avions avec des moteurs électriques orientables pourraient être prometteurs (voir l'acronyme DEP VTOL pour Distributed Electric Propulsion et Vertical Take Off an Landing).
  4. La fiabilité et la capacité à voler quelles que soient les conditions météo,
  5. le contrôle aérien qu'il faudrait adapter à un grand nombre de véhicules au dessus d'un espace urbanisé. Uber indique qu'actuellement, plus de 420 hélicoptères desservent 193 héliports urbains à San Paulo (Brésil).
  6. le coût du service,
  7. la sécurité
  8. le bruit des véhicules,
  9. les émissions des véhicules sur l'ensemble de leur cycle de vie, y compris les émissions induites par les centrales électriques utilisées, 
  10. l'absence de "vertiports" (sorte d'héliports pour VTOL) en nombre suffisants et en ville. Des études visant à utiliser les toits des bâtiments et notamment de certains parking en étage,  ou l'espace perdu dans certains échangeurs d'autoroute ont été faite. Des simulations à Londres et de Los Angeles montrent que 25 "vertiports" permettraient de couvrir 60% de la demande en trajets longue distance à LA contre seulement 35% à Londres. Une différence en partie due à l'offre de transport public et en particulier au "mass transit" londonien.
  11. la formation que les progrès technologiques pourraient permettre de réduire considérablement (Uber reste prudent sur l'hypothèse qu'on puisse se passer du pilote).
Uber entend bien surmonter rapidement ces 11 barrières. Il conclut qu'un voyage en VTOL de 45 miles pourrait remplacer un voyage en voiture de 60 miles, couter 21$ et durer 15 mn.
Bref, un sujet à suivre, qui pourrait être un "game changer" encore plus important pour la mobilité urbaine que les voitures autonomes. Qu'en pensez vous ? 

3 réflexions sur les véhicules autonomes

Une réalité à prendre en compte dès maintenant
En 2007, Transid évoquait le Darpa Urban Challenge et les premières compétitions de véhicules autonomes. C'était il y a dix ans et à l'époque c'était de la R&D et de la prospective...
Dix ans après, les derniers obstacles à la diffusion à grande échelle de ces types de services sont clairement identifié et les acteurs de l'automobile, de la mobilité et de l'internet sont engagés dans une course pour les dépasser. L'émergence des véhicules autonomes dans notre quotidien est certaine, seul le calendrier fait débat. Il est donc temps d'intégrer cette rupture dans vos réflexions stratégiques !
Parmi les acteurs qu'on n'attendait pas nécessairement sur ce créneau :


Des acteurs globaux engrangent les kilomètres pour le marché du pilotage
La technologie permettant de rendre un véhicule autonome semble relativement accessible. De nombreux industriels ont des prototypes et il existe même des amateurs qui se sont lancés. Les Google Cars s'approchent des 3 millions de km parcourus. Ces kilomètres contribuent à la collecte des données et à l'apprentissage des algorithmes de pilotage. Ils créent une barrière à l'entrée qui protége les acteurs les plus gros et les premiers à lancer leur services. 
Ces kilomètres caractérisent aussi la sécurité du système. Elle se compare, d'ors et déjà, favorablement à celle des véhicules traditionnels, même si des accidents sont à déplorer chez Google (qui publie un compte rendu mensuel de l'activité de ses voitures autonomes). 
Tesla, dont les voitures sont communicantes et équipées de nombreux capteurs, profite aussi des kilomètres parcourus pour améliorer ses algorithmes d'aide au pilotage. Plusieurs accidents, dont certains mortels, ont déjà eu lieu. Ils indiquent que Tesla accepte de prendre un certain niveau de risque d'image pour la marque simplement pour rester dans la course.
La France qui est au meilleurs niveau sur le plan technique et industriel ne semble pas pressée de rejoindre les USA, la Chine ou Singapour pour permettre à ses industriels de participer à l'émergence de ces services. 

La réglementation locale déterminera le marché des opérateurs
Il y a, à peu près, consensus sur le fait que les voitures autonomes seront aussi partagées. En augmentant le nombre de voyageurs transportés par chaque véhicule, en diminuant le besoin en stationnement, les "robocabs" proposent une valeur indispensable aux métropoles.
Mais ce type de service est assez naturellement régulé au niveau national comme local.
Keolis se positionne avec une première française avec le Sytral à Lyon et un partenariat avec Navya.
Uber anticipe avec des conducteurs non salariés, l'émergence du marché des robocabs et procède à des tests de taxis autonomes aux USA. Mais, en attendant, ses multiples mésaventures juriduqes montrent à quel point ce marché est vulnérable aux réglementations locales, L'action vigoureuse des autorités chinoises, que ce soit pour encourager le rapprochement entre Uber et Didi Chuxing, ou, localement pour réguler les services de VTC donnent un aperçu des enjeux réglementaires sur ce marché.
Sur ce point, la France ne fait pas exception comme en témoignent Uber et Heetch, Il faut noter qu'une grande partie des questions qui se poseront pour les robocabs sont locales : accès aux voies réservées dans les villes ou sur les grands axes d'accès à la ville, réglementation du stationnement, péages urbains, articulation avec les bus publics dans les zones moins denses, accès aux gares en zone plus dense et aux aéroports, l'organisation des échanges entre les véhicules et l'infrastructure...

Au final, on peut penser que le match se jouera au niveau local entre autorités organisatrices, opérateurs locaux issus du transport et opérateurs globaux issus de l'internet.